
Ce matin-là, je me suis réveillé extrêmement angoissé par le bruit assourdissant de trois helicoptères survolant, à basse altitude, la petite ville de Dame-Marie.
Ce grand vacarme sur nos têtes mettait la ville sens dessus dessous (tet anba) pendant plus d'une heure.
Un véritable émoi!
A cette époque, ces faits insolites avaient un impact néfaste sur les communautés et présageaient des moments troublants, éventuellement par la présence d'intrus et de mercenaires dans la région.
Un très mauvais signe, à première vue, pour la population!
Tet charge!
A travers un regard, tout s'exprimait et sur les visages, tout se devoilait.
La peur aussi a une odeur, dit-on!
Les questions chuchotées à voix basse, entre les intimes, demeuraient sans réponse, sans explications rationnelles sur la véritable nature de cet événement.
De telles émotions tordaient les tripes!
En tous cas, on concluait 24 heures plus tard qu'il y avait plus de peur que de mal. Pas de nouvelles bonnes nouvelles!
Ce n'est que longtemps après, de la plume de Jn Robert Gaillard, que j'ai su la vérité sur ce fait bizarre auquel j'ai assisté dans le ciel de mon patelin.
En effet, un club de radio amateur (ham radio club) avait programmé en Avril 1981, entre certains de ses membres, une expédition à l'ile de la Navase, ile située à 65 km de Dame-Marie, entre la Jamaique et Haiti.
Au départ, le groupe avait l'intention de se rendre sur l'ile en bateau. Cependant, en raison des risques associés à une telle traversée, ils ont finalement abandonné cette idée.
Très Sage décision!
Suite à de nombreuses réflexions sur les moyens d'atteindre leurs objectifs, ils déciderent finalement de solliciter l'aide du Président Jn Claude Duvalier pour l'obtention de 2 hélicoptères capable de les transporter aisément sur l'ilôt.
Jn Bernard Montes, jeune frère de Jeannot Montes (tous deux défunts) transmit effectivement le 8 Juin 1981 la demande au chef de l'Etat.
D'une rare célérité, la reponse vint le 26 juin 1981 et..., elle était favorable!
Instructions furent alors passées au Colonel Danache, commandant du Corps d'aviation, à l'époque, pour les suites nécessaires.
Après une brêve escale aux Irois, ce matin là, question de refaire le plein, les trois oiseaux métalliques reprennent leur envol pour la Navase.
Grande fut leur surprise de constater qu'un comité hostile les attendait!
En effet, des appareils militaires américains firent leurs apparitions et tournerent autour d'eux avec leurs armes braquées.
Ce fut un moment de panique puisqu'ils (nos compatriotes) ne s'attendaient point à cet decevant accueil.
Ils ont planté dans l'immédiat un mât de fortune, hissé le bicolore et chanté la Dessalinienne.
C'est alors qu'un des hélicos américains atterrit et le Commandant du détachement étoilé suivi de 3 marines s'approcha de nos compatriotes, l'air menaçant.
Alors, le Major Haitien qui était en charge de l'expédition, après avoir décliné son nom et grade, prit le dessus sur l'officier américain, inférieur en grade, qui se tint droit au salut à l'endroit de son supérieur hiérarchique. Normes militaires internationales obligent!
Alors, le Major Haitien qui était en charge de l'expédition, après avoir décliné son nom et grade, prit le dessus sur l'officier américain, inférieur en grade, qui se tint droit au salut à l'endroit de son supérieur hiérarchique. Normes militaires internationales obligent!
Au final, il demanda aux Haitiens de montrer patte blanche; ces derniers de repondre à l'unisson: "nous n'avons pas besoin d'autorisation pour vaquer sur notre territoire!"
Sur ce, l'officier américain, l'air contrarié et après un bref moment de forte tension, leur souhaita un bon séjour et repartit. Idem pour les autorités haitiennes, laisant nos compatriotes, dérriere.
Sur ce, l'officier américain, l'air contrarié et après un bref moment de forte tension, leur souhaita un bon séjour et repartit. Idem pour les autorités haitiennes, laisant nos compatriotes, dérriere.
La Navase, un atoll, se trouvant dans moins de 200 mille marins de la Zone Economique Exclusive (ZEE) des côtes haitiennes, est revendiquée par les USA suite à une loi du Congrès Américain: "The Guano Act".
Cette loi stipule que partout en Amérique latine, particulièrement sur une île inhabitée, où existe un fertilisant dénommé Guano, d'un oiseau (chauve-souris), cet espace devient de fait leur propriété et est sujet à exploitation".
C'est ainsi que Peter Duncan en profita et s'y installa, sans coup férir. A l'aide de leurs Ham Radio à bande courte (short wave), nos compatriotes, par la suite, annoncerent au monde entier qu'ils étaient sur l'ile de la Navase et venaient de reprendre possession, insinieusement, sournoisement.
Il faut signaler que toutes les constitutions du pays ont toujours fait mention de son appartenance à l'état haitien sauf celle de 1987, si je ne m'abuse.
Environ, plus de 7000 appels furent placés à divers clubs internationaux de radio amateurs au cours des 72 heures que durait l'expédition.
A côté d'eux, à quelques jets de pierre, se trouvait un camp de marines, entre temps debarqués, au nombre d'une centaine (119), surveillant les allées et venues de nos compatriotes.
L'échange, au fil des jours, devint apparemment cordial, jusqu'à leur départ de l'île. Et pour preuve, en 2 occasions, ils ont cassé la croute ensemble, tour à tour, dans leurs bivouacs respectifs.
J'allais vingt ans plus tard revivre une pareille expérience avec l'expédition de E.Wilson qui voulait planter le drapeau haitien sur l'ile et lire simultanement une déclaration devant les caméras de la Presse locale.
La démarche n'a pas abouti malgré la velléité du groupe composé d'une journaliste de renom ( M. L. Bonhomme) et de plusiers autres officiels dont le Senateur S. Madistin.Tôt le matin, ils ont mis voile en direction de l'ile grace à l'amabilité des frères Simon qui ont mis leur bateau, "le Goliath", à leur disposition.
Vu l'instabilité du bateau face aux géantes vagues aux abords du massif corallien, ils ont du rebrousser chemin pour la terre ferme car plusieurs d'entre eux n'avaient pas le pied marin.
Et depuis, aucune autre tentative ne fut recensée, à ma connaissance.
Suite aux incursions haïtiennes pre-citées, les Américains ont renforcé leur présence, depuis, autour et sur l'atoll.
Seuls les pêcheurs haïtiens de Dame-Marie, de l'Anse d'Hainault et des Irois continuent à faire la navette sur l'île quand les conditions atmosphériques le permettent.
En affrontant l'imprévisible, l'impondérable et l'oncle... grâce à vos convictions, on se souviendra toujours de vous :
Jn Bernard Montes
Jn Robert Gaillard
Reginald Chauvet
S.G. Daniel
Bernard Russo
Francis Michel
Pressoir M Antoine
Février 2015